21 septembre 2010
Quand un simple citoyen oblige la préfecture à remettre au pas un maire pas trop regardant.
Parfois l’opiniâtreté peut avoir raison de l’inertie, voire pire, de l’administration. C’est ce qu’est en train de démontrer Marcel Girardin qui depuis quelques années se bat contre le comportement « à la marge» de la municipalité de Voglans et qui vient d’enregistrer un double succès : obliger la préfecture à contraindre un maire qui se croyait tout puissant à enfin respecter la loi.
Entre Marcel Girardin, d’une part, la municipalité voglanaise, d’autre part, et la préfecture de la Savoie au milieu, c’est une histoire qui a (mal) débuté au printemps 2008. A cette époque, M. Girardin, lui-même candidat malheureux à la mairie, obtient du tribunal administratif de Grenoble l’annulation de l’élection municipale en raison d’illégalités constatées le jour du vote.
Alors que la loi précise qu’en cas d’annulation d’une élection municipale, le maire et son conseil doivent quitter immédiatement leurs fonctions et être remplacés par une « délégation spéciale », contre toute attente (et en dehors de toute logique) le préfet désigne le maire invalidé par la justice pour prendre la tête de cette « délégation spéciale ». Une désignation qui prenait l’allure d’un désaveu des juges administratifs et qui apparaissait comme un sérieux coup de pouce au maire déchu, pourtant convaincu de ne pas avoir respecté le code électoral. Et d’ailleurs le maire destitué par la justice sera réélu.
L’année suivante, Marcel Girardin constate que ce nouveau maire a présenté un compte administratif avec un gros déficit, ce qui devrait conduire le préfet à déférer le dit document à la Chambre Régionale des Comptes. Mais le préfet s’en garde bien et Girardin se voit contraint de saisir le tribunal administratif. Re-belote l’année suivante : « Le maire avait « oublié » de solder une ligne de trésorerie et de la remplacer par un emprunt. C’est ce que la Chambre des Comptes appelle un endettement dissimulé » explique Girardin. La somme « dissimulée » se montant quand même à 1,4 million d’euros, on était en droit d’espérer que le préfet allait réagit cette fois. « Pas du tout. Sous la signature de son secrétaire général, le préfet a tenté de me faire croire qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle. A l’appui de sa démonstration il m’a joint un document dont il me laissait penser qu’il avait été adopté par le conseil municipal de Voglans pour rectifier la présumée erreur matérielle ».
Or Marcel Girardin ne s’en laisse pas conter. Il s’en va vérifier à la mairie et constate que le conseil ne s’est pas réuni et n’a donc pas pu adopter ce nouveau document pourtant présenté par la préfecture comme la solution à l’endettement dissimulé. « J’ai de nouveau écrit au préfet pour m’étonner et lui demander si ce document ne pouvait pas être qualifié de faux en écriture publique ». On était alors en juillet 2010. Le compte administratif contestable avait été adopté en mars et tout laissait penser que la mairie et la préfecture s’accommodaient des endettements dissimulés. Mais le dernier courrier de Girardin a eu le pouvoir de faire enfin réagir la préfecture.
Car en écho à ce courrier le secrétaire général de la préfecture, le même qui certifiait que tout était normal, répondit qu’il venait de demander à la mairie de Voglans de régulariser la situation. « Et le représentant du préfet m’ajoutait qu’il y veillerait personnellement » précise Girardin. Un vrai changement de tonalité : en avril, pour le préfet il n’y avait rien d’anormal. En juin, l’erreur matérielle avait été réparée. Et en septembre le conseil municipal de Voglans était fermement invité par la préfecture à régulariser une situation anormale provoquée par un endettement dissimulé. Un renversement de situation inattendu.
Car effectivement, quelques jours plus tard, les conseillers municipaux de Voglans, convoqués à la hâte, réexaminaient le compte administratif qu’ils avaient pourtant adopté en mars comme un seul homme. Et ils adoptaient un nouveau document qui disait le contraire de ce qu’ils avaient accepté 6 mois plus tôt… Sans doute sans comprendre ce qu’ils avaient voté si l’on en croit Marcel Girardin qui met ce comportement « sur le compte de l’incompétence de certains ou certaines ». Mais pas seulement puisqu’il ajoute aussitôt « Je ne suis pas étonné que de tels faits se produisent quand au sein d’une municipalité on trouve quelqu’un qui a été condamné par la justice pour des arrangements dans ses affaires privées ».
Quant à l’attitude de la préfecture, Girardin préfère l’expliquer ainsi : « Les services préfectoraux sont débordés. Ils n’exercent pas réellement leur contrôle de légalité sur les décisions prises par les maires ». Mais il n’exclut pas non plus des connivences entre fonctionnaires et élus et se plait à penser que sans son évocation d’un faux en écriture publique, son recours n’aurait peut-être pas abouti. Même si, comme il le précise : « Maintenant que les fautes ont été réparées, je ne pense pas que je saisirai la justice à propos de ce faux présumé. Mon but est de remettre de l’ordre dans la gestion financière de la commune. Je suis en train d’y parvenir et je vais me contenter de ce résultat. »
Pas peu fier d’avoir réussi à mettre au pas le maire de sa commune, Marcel Girardin rappelle qu’il n’a fait que suivre le conseil de l’ancien président de la Cour des Comptes : « Philippe Seguin invitait les citoyens à contrôler l’action et le comportement de leurs élus, notamment en matière financière. Avec mes amis Gilles Bedini et René Burtin, ancien conseiller municipal, et d’autres Voglanais, c’est exactement ce que nous faisons. »