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9 août 2010


Editorial


J’ai fait un horrible cauchemar

qui sera peut-être prochainement votre réalité


J’ai fait un cauchemar. C’était un vendredi soir, il était bientôt 23 heures. Je rentrais chez moi, au volant de ma voiture. Au cours de la soirée, j’avais bu presque une bouteille de Perrier, autant dire que je gardais toute ma lucidité (légendaire) et que je ne craignais pas de me faire contrôler. Voilà pourquoi quand je découvrais, à la hauteur du rond-point de l’Hôpital, une équipe de gens en uniforme avec inscriptions et brassards fluorescents, je me rangeais sans la moindre inquiétude et coupais le moteur l’esprit serein.


Un homme en uniforme s’approchait de ma vitre baissée et me lançait « Contrôle d’alcoolémie, veuillez souffler dans le ballon.. ». Au moment d’obtempérer je découvrais que tous les uniformes portaient l’inscription « Police municipale ». Me souvenant de mes cours de droit (eh oui, un peu de droit et tout le reste de travers comme me disait ma grand-mère), je repoussais alors l’éthylotest et interrogeais, goguenard, le policier municipal : « Je suppose que vous agissez sur ordre exprès du procureur de la république, seule condition pour pouvoir exercer un contrôle d’alcoolémie systématique.. ? ». L’autre me répliquait alors « Ah bon, vous voulez faire le malin ? Allez, contrôle d’identité.. ».


La situation m’amusait encore. Je me plaisais à étaler mon savoir juridique « Article 78-2 du Code de Procédure pénale, un contrôle d’identité ne peut se faire que par un officier de police judiciaire (OPJ) ou sur son ordre et sous sa responsabilité. Or je ne vois ici que des policiers municipaux qui ne sont que des APJA (agent de police judiciaire adjoint). Je regrette donc mais je vais devoir vous quitter là-dessus. »


Et c’est là que mon cauchemar commençait vraiment. Le policier m’intimait l’ordre de ne pas bouger et faisait un signe vers un groupe que je n’avais pas distingué jusque là. Je voyais alors s’approcher un fauteuil roulant poussé par une femme. Assis dans ce fauteuil, recouvert par une couverture, les yeux dans le vague, un homme dont je ne distinguais pas le visage et auquel le policier municipal demandait : « Monsieur l’officier de police judiciaire, voulez vous que cet individu fasse l’objet d’un contrôle d’alcoolémie et d’identité ? ». L’homme dans son fauteuil hochait alors deux fois la tête d’avant en arrière. « Voilà, c’est un OPJ qui l’a décidé » triomphait le policier municipal. Je rétorquais « mais cet homme est à moitié endormi, c’est la femme derrière lui qui lui a agité la tête, vous vous moquez de moi ».


Il en fallait plus pour troubler le policier municipal « Ainsi vous ajoutez l’outrage et la rébellion à votre refus d’obtempérer, vous aggravez votre cas. » Je ne comprenais plus rien. Je tentais encore : « comment cet homme en fauteuil roulant pourrait-il être un officier de police judiciaire en service ? ». Le policier municipal dirigeait sa lampe torche vers le visage de l’homme à la couverture. Je reconnaissais alors un adjoint au maire de la ville, célèbre jadis pour sa large propension à vider les bouteilles, et pas de Perrier. Lui, un OPJ qui intervenait pour exiger mon contrôle d’alcoolémie, quelle plaisanterie!*


Je n’avais pas le temps de mesurer tout le grotesque de la situation car d’un seul coup, en me rappelant mon Code de Procédure pénale, je comprenais le piège dans lequel j’étais tombé. « Article 16, les maires et leurs adjoints ont la qualité d’officier de police judiciaire ». J’étais fait. La suite était horrible. Sur « l’ordre » de l’OPJ endormi sous sa couverture, les policiers municipaux me signifiaient que je venais d’être placé en garde à vue. Je devais quitter mon véhicule et les suivre au poste installé dans les sous-sols de l’hôtel de ville. Je me retrouvais bientôt enfermé dans une geôle obligé de me prosterner devant une gigantesque photo représentant, telle la Cène, les adjoints municipaux en apôtres, partageant le repas avec leur maître à penser. C’en était plus que je pouvais supporter et c’est sans doute cela qui me tira du sommeil… Je me réveillais en sueur dans mon lit. Tout cela n’avait été qu’un cauchemar. Un cauchemar qui pourrait bien, à quelques détails près, devenir réalité demain à Aix les Bains.


Car l’article 16 du Code de Procédure pénale a bien maintenu aux maires et aux adjoints des 36.000 communes de France la qualité d’officier de police judiciaire. C’est une disposition prise il y a plus d’un siècle, à une époque où les moyens de communication étaient tels qu’il fallait parfois plus d’une demi journée aux gendarmes pour atteindre un lieu où un crime s’était commis, et qu’en attendant leur arrivée, les maires pouvaient prendre toutes mesures utiles.


Aujourd’hui, dans la plupart des 36.000 communes de France les maires et les adjoints ne s’amusent pas à exercer cette prérogative. D’ailleurs, une circulaire du ministère de la justice enjoint aux procureurs de ne pas confier de mission « judiciaire aux élus, lesquels ne possèdent pas la technicité requise ». Et il y a de fortes chances pour que le parquet classe sans suite une affaire judiciaire qui serait montée par un élu en sa qualité présumée d’OPJ.


Reste que cette « qualité » d’OPJ demeure et que certains shérifs pourraient être tentés d’en user voire d’en abuser. Qu’est-ce qui me fait dire cela..? Une photo et un article parus récemment dans l’excellent hebdo des savoie. (voir ci-dessous).



On y apprend que les policiers municipaux pratiqueraient des « contrôles d’identité » ce qui est parfaitement illégal et strictement interdit (sauf si ce policier municipal en a reçu l’ordre et est accompagné d’un policier national ayant la qualité d’OPJ, ce qui n’était pas le cas). Il faut donc penser que c’est uniquement parce que Beretti était présent et qu’il les a exigés que les contrôles ont pu avoir lieu. Voilà qui risque de conduire à une dangereuse dérive. Car dans ces conditions, si un simple adjoint peut exercer régulièrement les prérogatives d’OPJ habituellement réservées à la police nationale (ou la gendarmerie), cela signifie que les policiers municipaux « sous les ordres de cet adjoint » peuvent aussi, théoriquement, placer les personnes contrôlées en « garde à vue ». Théoriquement. Théoriquement…


Cela ne vous fait pas peur, chers amis Aixois ? Et si on vous ajoute que le même « shérif » qui fait faire des « contrôles d’identité » à « ses policiers », veut aussi installer une « video surveillance » dans votre ville à partir de laquelle, en sa qualité d’OPJ, il pourra, en toute quiétude, contrôler vos allées et venues, cela ne vous inquiète pas non plus.. ?


Personnellement je pense que la démocratie est toujours en danger quand des gens dont ce n’est pas le métier se mettent à vouloir faire régner « leur » ordre en s’abritant derrière une pseudo légalité et une prétendue demande sécuritaire de la part des citoyens, et en s’arrogeant des prérogatives qui ne devraient relever que du pouvoir régalien de l’Etat.


Réfléchissez bien, chers amis Aixois, mon cauchemar pourrait un jour devenir votre réalité. Pour ma part, je suis encore tranquille. Dans ma commune le maire et ses adjoints semblent avoir mieux à faire, dans l’intérêt public, que de jouer au «shérif de ces dames»...


Jacques Girard


* Paradoxalement, alors qu’un gendarme ou un policier pour être OPJ doit être habilité par une commission spéciale et que cette habilitation peut lui être retirée à tout moment, la qualité d’OPJ reconnue aux maires et adjoints n’est soumise à aucun contrôle, pas même celui de leur état de santé physique ou mentale. D’où la grande réserve des procureurs à leur égard. Le CPP mériterait bien d’être dépoussiéré.



1er Août 2010


Pitié pour les cyclistes


Une cycliste de 67 ans, littéralement écrasée par un camion sur une route aixoise régulièrement empruntée par les cyclotouristes amateurs, voilà qui, en plus de l’émotion, devrait, d’une part, nous engager tous à la réflexion et aux modifications de comportement, et d’autre part amener les responsables de cette ville à remettre en cause les conditions de circulation des cyclistes.


Bien à l’abri dans leur voiture (encore davantage quand il s’agit d’un poids lourd) les conducteurs semblent bien souvent considérer le cycliste comme un gêneur, un empêcheur de mener tranquillement leur vie d’automobiliste. Ils sont bien sans doute trop occupés à discuter avec leur passager, à parler au téléphone, à rechercher une place de stationnement ou à essayer de grappiller quelques secondes, pour prêter attention à cette chose étrange et fragile qui se déplace sur deux roues sans moteur. Tous les cyclotouristes ont éprouvé ce sentiment : faire une balade de deux heures et de quelques kilomètres sur les routes de Savoie (et d’ailleurs) donne cent fois l’occasion de vouer aux gémonies ceux qui se sentent invincibles derrière leur volant. Sur deux roues on a parfois l’impression d’être une cible mouvante et facile pour chasseur motorisé inconscient.


On peut croire que le conducteur du poids lourd responsable de la mort de cette pauvre dame va porter longtemps le poids de ce comportement, que cette vision va longtemps hanter ses jours et ses nuits. Hélas, quelques dizaines de kilomètres accomplis en pédalant sur les routes autour d’Aix ce week-end n’ont pas permis de penser que ce drame avait incité les automobilistes à réfléchir sur leur responsabilité vis à vis de ces usagers fragiles de la route que sont les cyclistes. Une vraie campagne d’information s’impose.


Mais revenons à Aix les Bains, ville qui prétend (sans rire) avoir beaucoup fait ces temps derniers pour favoriser les déplacements à vélo. Pas une revue municipale où l’on ne vante les pistes et autres bandes cyclables, pas un magazine où l’on ne met en avant le « vélo station » de la Gare.  Le papier ne refuse pas l’encre. Mais la réalité, sur le terrain, est plus dramatique.

Non seulement dans ce domaine le retard reste considérable mais, à de rares exceptions près, les pistes et surtout les « bandes » cyclables crées sont autant de pièges à cyclistes. Avec parfois des aboutissements où le ridicule le dispute à la dangerosité - comme par exemple à la sortie Sud d’Aix, où la bande cyclable conduit tout droit l’innocent cycliste dans la nature et contraint les autres à affronter les voitures (pressées) là où justement la voie se rétrécit- .


Mais c’est surtout l’état des chaussées qui est le plus préoccupant pour les promeneurs en deux roues non motorisées. Passons rapidement sur les trous et autres excavations des environs de la Gare dans lesquels bien des cyclistes sont déjà tombés car il paraît que la CALB est en procès avec l’entreprise qui a si bien raté le travail (mais en attendant, rien ne change). Mais s’il n’y avait que là ! Partout c’est la même désolation. Quasiment pas une rue de la ville, qui ne comporte ses pièges à cyclistes en raison d’un manque d’entretien évident. Des trous, des nids de poule (voire d’autruche), des ornières en passe de devenir des tranchées, des bouches d’égout qui re-sortent de cinq centimètres, des grilles qui s’enfoncent d’un décimètre, on à l’impression que tout est fait pour transformer une simple balade aixoise en un condensé de « l’enfer du nord » d’un Paris Roubaix.


Et pas besoin de s’évader du centre pour rencontrer ces pièges. La photo ci-dessus qui représente un « nid-de-poule » de 25 centimètres de diamètre et de quinze centimètres de profondeur à été prise à deux cents mètres de la mairie, juste en face de la bibliothèque Lamartine, en plein virage. Gros gadin cycliste garanti. Et l’on voit bien que ce trou ne date pas d’hier. C’est à croire que pas un adjoint (on ne parle pas du maire, il n’est jamais dans la ville) pas un technicien, pas même un agent de la police municipale, ne passe jamais à pied ou à vélo dans ce secteur pour signaler ces véritables dangers. Ou alors qu’il n’y a plus de sous dans les caisses pour un entretien minimum.

Car c’est ainsi quasiment partout. On a le sentiment que les routes de cette ville ne sont plus du tout entretenues et que tout est fait pour la frime au détriment de la sécurité.


Tiens, on lance un défi à l’adjoint au tourisme et aux sports de cette ville : qu’il nous accompagne un jour dans une promenade cycliste de 20 kilomètres uniquement à travers la ville. S’il a le goût du risque, qu’il emprunte donc un vélo type course avec jantes fines et boyaux gonflés à 8 Kg. Sinon, qu’il vienne avec un VTT. Mais surtout qu’il n’oublie pas le casque. Et à l’issue de cette balade, on verra bien s’il peut encore prétendre qu’Aix les Bains est une ville où l’on fait beaucoup pour la sécurité des cyclistes.


JG






25 juillet 2010


L’édito du Dimanche


L’hôpital, le Président et la potiche…


« Même si j’avais été président de la république, je n’aurais rien pu faire pour sauver la maternité » a affirmé (sans rire), le pauvre Dominique Dord. Que voilà une affirmation curieuse et totalement démentie par l’activisme présidentiel, plus particulièrement en ce qui concerne l’administration des hôpitaux. Avant d’en dire davantage, jetons donc un regard sur cet article paru voici quelques jours dans un grand hebdomadaire national.


On découvre à travers cet article que le président Sarkozy, contrairement à ce que prétendait le pauvre Dord, non seulement a la haute main sur ce qui se passe dans les hôpitaux mais qu’il est aussi en mesure de choisir désormais celui qui assumera le rôle de président du conseil de surveillance. Ce faisant, Sarkozy entend bien montrer qu’il pèse de tout son poids sur les décisions qui seront prises en faveur (ou au détriment) de ces hôpitaux. Autrement dit, si Sarkozy avait voulu que l’hôpital d’Aix les Bains conserve sa maternité, il n’aurait eu qu’un seul mot à dire. Voilà qui jette encore un peu plus le discrédit sur les larmes (de crocodile) du député-maire UMP d’Aix les Bains pleurant la maternité.


On relèvera au passage dans cet article qu’à Neuilly, ville dont il a été le maire et sur laquelle il garde un œil jaloux, Nicolas Sarkozy est directement intervenu pour empêcher le maire actuel (qui n’est plus un de ses amis) d’être élu à la tête du conseil de surveillance. Une attitude qui a surpris J-C Fromentin, étonné de voir cette présidence lui échapper (alors que jusqu'à cette année elle lui revenait de droit). Au point que le maire de Neuilly a accusé celui qui lui a soufflé le poste de n’être qu’une « potiche entre les mains du directeur » de cet hôpital. Et donc de Sarkozy.


A cette aune, Dominique Dord n’aurait donc absolument rien à craindre pour sa place à la tête de l’établissement hospitalier aixois. Car si le prochain président du conseil de surveillance de l’hôpital d’Aix-les-Bains doit être une « potiche entre les mains du directeur » et donc de Sarkozy, le député-maire UMP est manifestement le mieux placé pour être réélu. Un exemple entre autres: le directeur de l’hôpital aixois et son adjoint (Alain Montagne et Gérard Filippi) vont partout depuis des semaines en affirmant, à qui veut les entendre, que la presse locale n’a rien compris, que tout va pour le mieux dans cet établissement et que la fin de la maternité était inéluctable et qu’elle sera finalement un mal pour un bien. Or ce sont très exactement ces arguments que Dord a repris dans sa mémorable interview au DL (il a juste ajouté ses larmes personnelles).


La direction de l’hôpital d’Aix les Bains a bien de la chance : non seulement elle déjà trouvé sa « potiche » mais en plus celle-ci parle et dit exactement ce qu’on attend d’elle ! Alors, pourquoi en changer ?


Jacques Girard




 
 
 
 
 
 
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