DORD/BYGMALION: III) une fin qui redonne de l'espoir aux sangsues locales

Epilogue d'une affaire parisienne qui pourrait bien avoir des conséquences ici en Savoie

 ( suite des mises en ligne des 22 et 23 février)

Comme il a été relaté dans les deux précédentes mises en ligne, c’est à partir de l’article du Canard et des autres fuites dans la presse que « l’affaire Bygmalion » a réellement commencé.
Dans un premier temps, les soupçons vont essentiellement peser sur l’intégrité de J-F Copé et de ses amis. Cette agitation aura d’abord raison de la position du président « autoproclamé », comme l’appelaient ironiquement ses collègues. Ce qui amènera l’ancien trésorier, lors d’une mémorable et déchirante réunion, à balancer effrontément à Copé « Allez, barre-toi ! ». Une injonction à laquelle le président élu dans des conditions scabreuses finira par acquiescer. Voilà pour le seul aspect politique susceptible de réjouir tous ceux qui détestent le député-maire de Meaux.

Mais c’était sans compter sur les effets pervers des accusations. Car dans le même temps les soupçons de tripatouillages ou de favoritisme vont aussi intéresser la justice. Alors le combat, à défaut de changer d’âme, changera de victimes.

Mis en cause dans une présumée affaire d’enrichissement personnel, Copé et ses amis vont réagir. Les dirigeants de Bygmalion vont démentir tout enrichissement personnel. Ils assureront que les « fausses facturations » leur ont été imposées par l’UMP et qu’elles ont servi à masquer les comptes de campagne de N. Sarkozy. Révélations confirmées par un certain Jérôme Lavrilleux, cadre de l’UMP, lors d’une émouvante, ou qui se voulait telle, confession télévisée.
De son côté, entendu comme témoin assisté dans le cadre de l’enquête judiciaire, l’ancien trésorier se barricadera derrière des arguties peu convaincantes. Il affirmera ainsi qu’il ne savait rien, qu’il faisait confiance à
« quatre personnes avant (moi) qui vérifiaient et qui (me) disaient que l’on pouvait payer ».

Dord prétendra ne pas reconnaître sa signature sur certaines factures et assurera n’avoir jamais autorisé la copie de cette signature. Des affirmations pour lesquelles les enquêteurs ont désormais des éléments qui permettent de douter de leur totale sincérité.
Toutefois, malgré ses dénégations, Dord ne pourra jamais nier que son poste de trésorier lui imposait d’être vigilant. Il ne pourra pas nier qu’en avril-mai 2012, il a donné son accord pour le paiement de 8 millions d’euros à Event & Cie alors que cette présentation lui « avait mis la puce à l’oreille ». Il ne pourra pas nier que la directrice financière lui demandait son avis avant de payer une facture importante et non l’inverse. Il ne pourra pas nier qu’il l’a autorisée à utiliser sa « griffe » ou signature électronique. Il ne pourra pas nier qu’il l’a autorisée à payer pour plus d’un million d’euros à Event-Bygmalion en novembre 2012, 13 jours avant de démissionner.

Et maintenant, juste un moment de rétrospection. Revenons en avril 2012, quand le trésorier de l’UMP voit arriver 8 millions d’euros de factures en provenance d’Event-Bygmalion.
Dord a prétendu que ces factures lui avaient « mis la puce à l’oreille ». Soit. Il a ajouté qu’elles lui laissaient le sentiment que les copains de Copé se gavaient. Re-soit.

Dans ces conditions, pourquoi les a-t-il payées ? Etait-ce pour faire plaisir aux copains de Copé ? Cela paraît peu vraisemblable. Etait-ce alors par bêtise, par faiblesse, par lâcheté ou par intérêt ? On n’ose même pas y penser. Reste une ultime possibilité : parce qu’à ce moment-là Dord ne pouvait ignorer que ces factures servaient à couvrir des dépenses de campagne que le candidat Sarkozy ne pouvait plus payer au risque de crever le plafond ?
Voilà qui reste quand même l’hypothèse la plus vraisemblable car il est probable, comme le sous-entend Guy Alvès, que sans la guerre picrocholine entre Fillon et Copé à l’automne 2012, rien de tout cela ne serait sorti du sérail.

Seulement il y a eu cet affrontement sans merci dans lequel Dord avait pris le parti de Fillon contre Copé. Un duel avec des fuites bien organisées dans la presse pour déstabiliser Copé en l’accusant d’avoir ruiné le parti et de s’être engraissé au passage.
En novembre 2012, après les rumeurs colportées par les journaux, après sa démission qui se voulait spectaculaire et exemplaire, Dord n’imaginait sans doute pas que cette guerre des clans allait déboucher sur une enquête judiciaire. Avec des mises en examen, dont celle de Nicolas Sarkozy. Quelle est donc sa part de responsabilité dans ce cataclysme politico-financier ?

Une chose paraît désormais difficilement contestable : sans l’attitude de Dominique Dord, il n’y aurait pas eu d’affaire Bygmalion entraînant le parti dans la tourmente.

Reste maintenant à savoir dans quel état le député-maire d’Aix-les-Bains sortira de cette aventure. Pour l’heure, D. Dord n’est pas mis en examen, il est seulement (sic) placé sous le statut de témoin assisté.
La justice considèrera-t-elle encore longtemps que le trésorier d’un parti qui a donné son accord pour le paiement de plus de dix millions d’euros de « fausses factures » n’a eu qu’un rôle de témoin dans ce scandale ? On ne devait plus tarder à être fixé.
En 2002, un petit ouvrage sans prétention (Aix-les-Bains, la belle EnDordmie) avait laissé entendre que le nouveau maire partirait, comme ses prédécesseurs, dans la tourmente. Etait-ce prémonitoire? On en connaît qui, à cette perspective, se réjouissent déjà. Il n'est qu'à observer les deux (ou trois) sangsues qui collent sans vergogne à la peau de l'intéressé pour s'en rendre compte.


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