Et si tout cela n'était qu'un leurre

Décryptage d'une série de bévues qui ne peuvent être toutes involontaires



Quand le Sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt, énonce un proverbe que l'on prête à Confucius. A Aix-les-Bains, ce proverbe pourrait se compléter ainsi: "Mais quand c'est l'Homme Rusé qui montre la lune, il n'est pas inutile de regarder derrière le doigt".

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la présentation du projet de rénovation (?) des AnciensThermes. Depuis maintenant plus de 25 ans qu'il est en politique, Dominique Dord est toujours apparu comme un homme habile auquel tout réussissait. Là où ses partenaires ou compagnons de route se plantaient, lui, il continuait son chemin, quasiment imperturbable. Charles Millon, Philippe de Villiers, Alain Madelin, Gratien Ferrari, André Grosjean, ainsi que tous ceux qu'il a accompagnés un temps en profitant de leur expérience ou de leur aveuglement, ont disparu de la scène politique, voire disparu tout court. Lui, il est toujours là. Jamais aux premiers rangs nationaux, peut-être, mais en politique chacun sait qu'il vaut mieux être le numéro un dans son village que le numéro deux à Paris.
Et pour faire avaler des couleuvres grosses comme des boas, cet homme rusé n'avait pas besoin de forcer son talent. Il n'est qu'à voir comment il s'est imposé à la CALB malgré les réticences de ses pairs, comment il a imposé l'élargissement aux communautés de communes voisines; comment il a retourné les maires qui ne voulaient pas abandonner leur compétence eau potable; comment il a réussi à faire acheter par les Aixois, pour une petite fortune, un resto en ruine à la Chambotte; comment il a convaincu ses troupes de vendre la SAEMCARRA; comment il est en train d'imposer un "Grand Lac" qui préfigure la fin de la souveraineté locale; comment il a réussi à vendre la quasi totalité du patrimoine privé de la ville, souvent dans des conditions surprenantes, sans s'attirer les foudres de quiconque; comment il a augmenté les taxes et les impôts en prétendant le contraire; comment, en résumé, il a constamment roulé tout le monde dans la farine... Pour s'étonner de la méthode qu'il a employée pour tenter de vendre son projet de rénovation des Anciens Thermes. Un tel amateurisme, cela ne lui ressemble pas. Récapitulons...
C'est dès son premier mandat que Dord a pris la décision de faire racheter les Anciens Thermes par la Ville. Voilà plus de dix ans déjà. En 2005, il passe même un accord avec l'Etat en vue de cette acquisition. Pourtant, quand en 2010 l'Etat met en vente les Thermes Chevalley et tout leur patrimoine, Dord, qui a négligé cette offre, n'en profite pas pour se porter officiellement acquéreur des anciens bâtiments. Et c'est seulement en 2012 qu'il franchit le pas. Et ensuite les mois passent et il ne se passe rien. Rien. Mais rien.
Deux ans plus tard, Dord annonce avoir mandaté la société Vinci pour qu'elle lui présente des projets pour l'avenir des Anciens Thermes. Tiens donc, il ne savait donc pas quoi en faire? Quel aveu! Les mois passent et l'on ne voit toujours rien venir. Alors Dord annonce que Vinci c'est fini mais que ça recommence avec Bouygues. Et là, brusquement, les choses se précipitent.
Là où personne n'avait rien su proposer depuis dix ans, Bouygues a trouvé la solution en quelques semaines et Dord ne perd pas de temps pour dévoiler ce projet. La farce commence. Une réunion du conseil municipal est organisée pour la présentation du projet, loin des oreilles et des regards indiscrets. 
Si la réunion du conseil avait eu lieu "à huis clos", c'était, paraît-il, pour préserver le secret. Mais, curieusement, la séance est à peine levée que le premier adjoint s'empresse de tout dévoiler sur sa page Facebook. C'est comme cela que les Aixois, ébahis, découvrent le monstre architectural sorti du cerveau de quelques bétonneurs: des tours de 17 étages plantées de part et d'autres des bâtiments historiques.

Ça ressemble à un gag. Un gag grossier. Pour compléter la farce, la bonne presse papier locale avait eu droit à la présentation du projet quelques heures avant les élus. Une pitrerie de plus. Bravo le secret. A se demander si le huis clos n'était pas une feinte. Et ça ne s'arrête pas là. Alors que des élus et des Aixois réclament un débat public, c'est dans le docile daubé que Dord pose l'alternative suivante en forme d'ultimatum : ou bien ce sera son projet avec les tours ou bien cela restera une friche en ville. On ne peut pas dire qu'il fasse dans la demi mesure:

Quelques jours après, c'est devant un auditoire restreint, et encore à huis clos, que Dord présente son projet aux commerçants membres de la FAC. D'autres réunions, elles aussi devant un public sélectionné et trié, sont programmées. La farce tourne au Grand Guignol.

Plus récemment, l'on apprend que le président de la "plus grosse association sportive de la ville" monte au créneau des Anciens Thermes. Celui-là promet une mobilisation de ses troupes contre le projet si la salle, dont ses gymnastes disposent dans les anciens Thermes, ne leur est pas maintenue (y compris pendant les travaux!) ou remplacée immédiatement par une salle équivalente. Et l'on est prêt à y croire, à cette indignation et à cette mobilisation spontanées. Sauf que le président de l'association de Gymnastique, s'appelle François Gruffaz et qu'il a été l'adjoint et le petit télégraphiste de Dord et celui qui mettait de l'huile dans les rouages lors d'un précédent mandat municipal. Comme ici, quand, aux côtés du maire, F. Gruffaz défendait le projet de la gare multimodale et ses retards et ses nombreuses malfaçons qui provoquaient l'ire des commerçants du secteur :
Au point que l'on se demande comment quelqu'un qui a si bien servi son maître pendant tant d'années pourrait vouloir le contrarier aujourd'hui pour une simple histoire de salle de gym.
Bref, tout cela ressemble à une farce et, devant un tel amateurisme apparent, devant une telle succession de bévues dont on ne peut croire qu'elles soient toutes involontaires, on en arrive à notre hypothèse.  Est-ce que le député maire, LR de rien, n'attendrait pas qu'une seule chose: que la mobilisation contre le projet Bouygues lui permette de jeter l'éponge et de refiler le bébé à ses successeurs. Tout en accusant les autres d'avoir fait échouer un projet intéressant.
Et voilà qui ressemblerait davantage aux procédés de l'homme rusé que l'on a connu!

Réponse en juin prochain... Ou plus tard!


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