Ubu-Dord a le Bygmalion chatouilleux


Ce soir là, Ubu-Dord avait invité quelques folliculaires soigneusement triés sur le volet (et non pas sur le volé, car le volé, dans l'histoire, c'est le contribuable) afin qu'ils puissent diffuser la bonne parole à leurs brebis de lecteurs. Tout se serait passé pour le mieux dans le meilleur des mondes si parmi les publicistes désabusés ne s'était glissé un journaliste venu de la ville voisine avec sa caméra et son micro indiscrets. Tévénet' avait déjoué la garde des vigiles censés empêcher que des reporters non complaisants puisse approcher Ubu-Dord. Et c'est comme cela que Tévénet' a réussi à filmer un moment d'anthologie.


Une toute petite foule de contestataires très gentils (à l'exception d'un féroce trotskyste ordinaire qu'Ubu-Dord avait traité avec son mépris coutumier envers ceux qui ne sont pas de son avis) entourait le maire ce soir là. Le maître des lieux se sentait en terrain conquis et fanfaronnait quand un quidam, resté un peu à l'écart et pris d'une soudaine audace lança son cri: "Bygmalion!". A cette évocation le sang du député-maire ne fit qu'un tour. On le vit se dresser, tel le coq de la basse-cour, pour chercher l'insolent du regard et s'adresser à lui, menaçant "J'ai entendu un mot... Alors, attention!

Image extraite du reportage de TVnet Citoyenne . On lit sur le visage des pseudos contestataires (le fayot de service s'y reconnaîtra) leur indignation face à ce quidam (en bas, à gauche, de dos) qui avait eu l'impudence de rappeler la présence du député-maire dans l'affaire Bygmalion.

Le débat promettait d'être intéressant: valait-il mieux être un "trotskyste ordinaire" comme le député-maire avait qualifié son opposant au conseil municipal, ou bien un des acteurs de la sinistre et coûteuse pièce Bygmalion?
Mais de débat il n'y eut pas car très vite l'un des fayots de service intervint avec ce leit-motiv: "On ne fait pas de politique ici". Encore un comique stipendié? En tout cas, si investir 95 millions d'euros (chiffre fourni par le député-maire) dans un édifice public et historique en plein centre ville ce n'est pas faire de la politique, qu'est-ce donc?
Ubu-Dord profita habilement de ce moment de confusion pour fuir le débat sur Bygmalion et reprendre la main. Et c'est bien dommage. Car, avec un peu de sérénité, son interlocuteur aurait pu lui rétorquer:
"Monsieur, vous avez été le trésorier d'un parti qui s'appelait l'UMP et, à ce titre, il se dit que vous avez signé ou cautionné pour 18 millions d'euros de fausses factures et que ceci a eu, entre autres, pour effet de plonger votre ancien parti dans la dèche financière au point qu'il a dû se saborder et prendre un autre nom. Cela vous a personnellement valu d'être entendu par la police judiciaire ainsi que par un juge d'instruction et de vous retrouver placé sous le statut de témoin assisté... Ce qui est quand même moins glorieux que de recevoir la médaille de sauvetage, vous en conviendrez. On ne sait toujours pas, à l'heure actuelle, quel degré de responsabilité la justice va vous attribuer dans cette lamentable affaire. Ce que l'on sait, par contre, c'est qu'au moins 18 millions d'euros d'argent public (oui, public, car c'est bien les contribuables qui financent les partis politiques) ont mystérieusement disparu alors que vous étiez chargé de veiller à leur bon usage. Alors souffrez, cher Monsieur, qu'aujourd'hui on puisse légitiment s'inquiéter quand on vous entend jongler avec les dizaines de millions d'euros autour d'une prétendue rénovation d'anciens Thermes pour lesquels les Aixois ne vous avaient rien demandé."
Cela aurait eu le mérite de remettre un peu de bon sens dans le débat, non?
Oui, mais, voilà: dans le Royaume d'Ubu-Dord, on a la triste impression que les dés sont toujours pipés et que le bon sens n'est pas la chose la mieux partagée.


Merdre alors, dirait la Mère Ubu.

Le reportage est visible sur le site de la TVnet-citoyenne. Et félicitations à son intrépide journaliste.