par Jacques Girard
Il y a comme cela parfois d'heureuses surprises. Ce dimanche 20 juin, je feuilletais, par habitude et d'un regard distrait, l'édition dominicale du dauphiné (dit libéré) à la recherche d'une quelconque info susceptible de retenir l'attention. Je m'apprêtais à refermer le journal après des recherches vaines quand mon attention a été attirée par l'article de la dernière page. Il était intitulé A Aix les Bains, les vertiges de l'amour.
Sans grand enthousiasme j'en ai commencé la lecture et, à ma grande surprise, je l'ai poursuivie jusqu'à son point final, quasiment sans en manquer une ligne. Cela n'arrive pas souvent, sinon jamais, quand il s'agit de ce quotidien...
Autour du bi-centenaire de la rencontre, à Aix les Bains, entre Alphonse de Lamartine et Julie Charles (que le poète appellera Elvire dans ses Méditations), dans un style léger et agréable cet article se livrait à d'aimables digressions sur l'aventure entre ces deux êtres, s'attardant sur leur passion, se concluant par le désespoir du poète apprenant qu'il ne reverrait jamais sa dulcinée, décédée de maladie. Derrière ce déchirement allait naître une oeuvre romantique que de nombreux autres auteurs allaient admirer ou copier.
Bien sûr, au-delà de cette histoire passionnée que nul amoureux de la littérature ne saurait ignorer, c'était Aix-les-Bains et son lac qui étaient célébrés dans l'article du DL. Surtout Le Lac, titre d'un des poèmes de Lamartine que deux siècles plus tard on continue d'apprendre et de commenter dans les écoles françaises (mais pour combien de temps encore, ça..?) et dont nous sommes nombreux à avoir gardé en mémoire quelques strophes (Ô, temps suspends ton vol...).
Pour une fois séduit par une lecture du daubé et tout à cette satisfaction, j'allais reposer le journal quand l'idée me vint de rechercher l'auteur de l'article, imaginant qu'il s'agissait de l'un de ces professeurs chargés de préparer l'exposition locale sur Lamartine. Et ce fut ma seconde surprise. L'article était signé Muriel Bernard. Oui, celle-là même qui inonde régulièrement la page locale aixoise de ses flots de propos élogieux à l'égard de la municipalité aixoise et de son chef.
Ainsi, M.B. pouvait donc manifester un talent d'écriture dans un autre domaine que la flatterie? Je ne pus m'empêcher de penser que si Mumu avait, depuis 15 ans, fait preuve de la même recherche du détail et de la vérité historique dans sa narration de l'épopée dordienne que dans les souvenirs lamartiniens, il y a sans doute belle lurette que les lecteurs aixois auraient compris que le verbe servir était trop souvent, dans cette ville, conjugué sans sa forme pronominale.
Un détail de l'article attira alors de nouveau mon attention. Après avoir rappelé qu'au début du 19ème siècle, Le Lac était devenu l'emblème du mouvement romantique, l'article ajoutait "On se précipitait de toutes parts à Aix les Bains, Balzac en tête, pour tenter de capter la magie inspiratrice du lieu. Et pourtant... 200 ans plus tard, tout a changé (...) Le lac a perdu son identité. "Quel lac, déjà..?"
Quel lac déjà a perdu son identité? interrogeait ingénument Muriel Bernard. Oui, celle-là même qui, en février dernier et dans le même journal, s'enthousiasmait littéralement...
... s'enthousiasmait littéralement parce que quelque crétin (des Alpes) avait cru utile de dépenser 150.000 euros pour oublier "la magie inspiratrice du Lac" et la remplacer par une misérable et pâle copie de la Riviera (des Alpes, comme le crétin). Et c'est elle qui, en juin, osait s'indigner de constater (sic) que Le Lac, si cher à Lamartine, avait perdu son identité... Quel lac, déjà?
Et l'on comprenait à cette occasion les limites de l'exercice journalistique local, limites fixées par une ligne éditoriale qui veut qu'un quotidien local soit toujours en phase avec le maire d'une ville, surtout quand ce maire est dans la mouvance "financière" du propriétaire de ce journal. Règles qui font que, quel que soit son talent, un journaliste y est irrémédiablement convié par sa direction à couvrir d'admiration ou de mansuétude l'occupant de l'hôtel de ville, quand bien même, à l'instar de Lamartine évoquant le soleil, le ou la publiciste se défierait de l'élu, prenant le risque de l'Isolement:
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ;
Je ne demande rien à l’immense univers.
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