Cette femme de 80 ans mortellement blessée dans les anciens thermes

Une mort qu'on a un peu (trop) vite enterrée... médiatiquement parlant.


Pour qualifier ce désastre patrimonial et financier qui entoure les anciens Thermes on hésite encore entre deux appellations: soit un redoutable fiasco dû à l'incompétence et à l'arrogance, soit une énorme supercherie menée avec cynisme et de main de maître, sans le moindre faux pas. Dans un cas comme dans l'autre, c'est du grand art et ça confine au génie! Avec parfois des dérapages aux conséquences dramatiques. Rappel historique...

En s'installant dans le fauteuil de maire en mars 2001 Dord est (déjà) fasciné par les affaires immobilières. Avec son compère Philippe, un vrai marchand de casseroles, il commence par recenser tous les biens immobiliers municipaux susceptibles d'être cédés à des intérêts très privés. En moins d'un an le tandem donne la pleine mesure de ses talents. Des dizaines d'emplacements de parkings souterrains, des dizaines de terrains voués à la construction, des immeubles en désuétude, une ancienne colonie de vacances avec ses bâtiments et un terrain de 3 hectares au bord de l'océan, la Cité de L'entreprise ou encore les trois plus beaux hectares du Bois Vidal, la liste est interminable des propriétés communales qui vont être cédées, souvent à vil prix, à grands coups de dissimulations ou de mensonges.
Mais ce qui fascine surtout Dominique Dord c'est les anciens Thermes. Outre l'intérêt architectural et historique du bâtiment il y a là plus de 40.000 mètres carrés de locaux en plein centre ville qui seront bientôt libres. De quoi susciter bien des convoitises. Problème: ce bâtiment appartient à l'Etat via les Thermes nationaux. Un seul moyen pour faire tomber ce patrimoine dans le giron de la ville: prendre le contrôle des thermes nationaux d'Aix-les-Bains (TNAB) alors gérés par l'Etat sous la forme d'un EPNA, établissement public national administratif, depuis des décennies.

Très proche du gouvernement RPR de l'époque, dès janvier 2002 Dord obtient la transformation de cet EPNA en un EPIC, établissement public industriel et commercial. Un EPIC dont il devient le vice-président et bientôt le seul maitre à bord avec des directeurs censés ne pas lui faire d'ombre. Moins d'un an après son installation à la tête de la mairie Dord a déjà réussi là où ses prédécesseurs ne s'étaient jamais engagés: il vient de prendre le contrôle des TNAB et de leur patrimoine immobilier. Est-ce seulement dû au hasard?


Le premier président nommé à l'EPIC des Thermes (comme plus tard ses successeurs) sera un haut fonctionnaire parisien rarement présent à Aix. Il démissionnera d'ailleurs très vite. Le vice-président Dord (par ailleurs conseiller spécial du 1er ministre Raffarin) a donc la haute main sur les décisions à prendre, y compris financières.
En 2002 les TNAB ont encore une trésorerie florissante avec une dizaine de millions d'euros d'économie. Dord va utiliser la moitié de ces économies pour "rénover" l'ancien bâtiment en laissant croire qu'il pourrait encore être affecté au thermalisme alors qu'il n'en sera rien. C'est ainsi qu'entre autres travaux dispendieux, Dord fera remettre en état la piscine thermale et ordonnera la restauration de la cabine de l'Aga Khan. Coût de ces travaux dans l'ancien bâtiment, entre 3 et 5 millions d'euros.

Dans le même temps Dord met en place sa stratégie pour les Thermes Chevalley, les seuls qui en 2003 accueillent des curistes. Pour diriger l'EPIC des TNAB Dord va embaucher un de ses anciens collègues, éphémère député UDF, alors sur la touche. Ce directeur qui n'avait pas la moindre expérience de gestion d'un tel établissement va multiplier les bourdes. Quelques années plus tard, ce directeur sera même condamné à une peine de prison avec sursis après avoir été reconnu coupable d'un homicide involontaire à l'intérieur des anciens Thermes. Ce triste faits divers mérite d'être conté car il fait partie de l'historique des anciens Thermes dans leur période Dord.

Une mort accidentelle et deux lampistes coupables

En 2005, puisque la ville d'Aix-les-Bains s'est déclarée acquéreur des bâtiments des anciens Thermes, l'Etat (via le préfet de la Savoie) lui accorde une convention précaire d'occupation en attendant la vente effective qui n'interviendra que sept ans plus tard.

Dord désormais se sent, sinon le maître du monde, du moins le maître des anciens Thermes. Il y installe les services municipaux et (illégalement) l'école Peyrefitte!!!. En sa qualité (sic) de président de l'office de tourisme (également installé dans les anciens thermes) il autorise aussi des visites guidées à travers ce bâtiment... en cours de rénovation.
Au printemps 2007, lors d'une de ces visites une touriste octogénaire qui traversait sur une passerelle provisoire fait une chute et se blesse mortellement. Alors que les faits sont établis, il faudra attendre plus de sept ans d'instruction judiciaire (et laisser passer deux élections municipales!) pour que l'affaire finisse devant le tribunal de Chambéry en novembre 2014.
L'ancien directeur de l'EPIC des Thermes ainsi que la guide de l'OT qui accompagnait la touriste seront condamnés à des peines d'amende et de prison avec sursis pour homicide involontaire. Ils seront les lampistes de l'histoire. On imagine en effet que ce n'est pas la guide de l'OT qui avait pris l'initiative d'organiser des visites dans des bâtiments en travaux. De même que, les anciens bâtiments n'étant plus consacrés au thermalisme, le directeur des TNAB avait d'autant moins de raison de s'en soucier que l'immeuble était entièrement passé sous le contrôle et la responsabilité de la mairie, via la convention de 2005 signée par le préfet.

Et pourtant, bien que l'instruction aura démontré une incroyable chaîne de dysfonctionnements (tant dans les anciens Thermes qu'à l'office de tourisme) ni le vice-président de l'EPIC des Thermes, ni le maire de la ville, ni le président de l'Office de Tourisme (trois fonctions cumulées par Dord) ne seront aucunement inquiétés. C'est lors de l'audience publique, et pas dans les réquisitions écrites, que sera évoquée la longue liste des erreurs commises qui avaient mené à ce mortel accident. La plume est serve, la parole est libre, a-t-on coutume de dire dans les prétoires.

Voilà donc un tragique évènement qui s'inscrit incontestablement dans l'histoire du patrimoine thermal aixois, période Dord. Même si on est les seuls ici à encore l'évoquer publiquement.

Pour être moins dramatiques, les autres évènements, élucubrations ou palinodies diverses et successives n'en sont pas moins croquignolets.
Relèvent-ils, ceux-là, du hasard ou de la stratégie..?


à suivre...