Un habitant d'une commune périphérique d'Aix-les-Bains nous raconte ci-après comment, alors qu'il effectuait une courte sortie sportive à vélo sur la piste cyclable qui relie les Mottets à Technolac, il a été interpellé par deux gendarmes.
Cycliste: Ce jeudi matin, roulant sur cette piste droite et plate j'ai aperçu de très loin la voiture de gendarmerie, garée sur le terre-plein au bord de la piste, gyrophare en fonctionnement. Me sentant dans mon bon droit j'ai poursuivi mon chemin en ralentissant à la hauteur de deux gendarmes qui m'ont alors fait signe de m'arrêter... Je roulais à cinq à l'heure et j'ai naturellement obtempéré. Pas de formule de politesse, pas de présentation (genre, Bonjour Monsieur, Gendarmerie nationale). De fait je leur ai demandé de garder leurs distances.
Lejournal d'AixlesBains: Ils n'avaient pas de tenues protectrices?
Cy: non, rien, pas de masque en tout cas, et pas de gants latex de protection non plus. Je crois qu'ils n'ont pas apprécié ma remarque qui était pourtant pleine de bon sens.
LJALB Vous étiez en quelle tenue et avec quel cycle?
Cy: Chaussures, short et blouson cyclistes, casque, vélo demi course, trois plateaux, huit vitesses à l'arrière (rires). Ils m'ont demandé si j'avais mes papiers d'identité et "l'attestation" remplie et signée. J'ai répondu que je faisais une sortie sportive, comme cela ne laissait pas de doute, et que je n'avais ni pièces d'identité ni "attestation" signée.
LJALB: C'était le cas?
Cy: pour "l'attestation", oui, et j'ai tenté d'expliquer aux gendarmes que les sorties sportives ne me semblaient pas concernées par la présentation d'une "attestation" puisque mon activité présente et ma tenue ne laissaient place à aucun doute. Pour les pièces d'identité, j'ai juste "oublié" de leur préciser qu'à défaut de CNI ou de permis de conduire je n'effectue jamais de sortie à vélo sans ma carte vitale et de groupe sanguin.
LJALB: Comment les gendarmes ont-ils réagi?
Cy: J'ai ressenti très vite chez eux une forme d'agressivité, comme si ils avaient soudain affaire à un dangereux délinquant. J'ai compris qu'il n'y aurait pas de dialogue possible. A l'évidence ils appliquaient sans discernement des éléments de langage et d'attitude afin de rejeter tout dialogue. Ils étaient la loi, ils l'appliqueraient sans mollir. Ils m'ont demandé où je résidais. Je leur ai répondu en ajoutant, un geste à l'appui, que je venais de partir d'un peu plus loin, à peu près trois ou quatre kilomètres de l'endroit où ils m'avaient arrêté. Cinq ou dix minutes à vélo tout au plus.
LJALB: Vous étiez donc à proximité de chez vous?
Cy: je le croyais mais ils m'ont affirmé que "à proximité" ça voulait dire "dans le quartier" (voir note plus bas) et comme j'avais quitté mon quartier Ils m'ont tout de suite dit que cela allait me coûter 135 euros. Sans illusion, je leur ai précisé que mon "quartier" était une route départementale et que je me trouvais plus en sécurité sur la piste cyclable. J'ajoute que la dite piste était totalement déserte à ce moment là et l'est restée pendant toute la durée de mon interpellation.
LJALB: Cela ne les a pas convaincus de votre bonne foi?
Cy: au contraire, à un mètre cinquante de moi, sans protection aucune, ils m'ont, à plusieurs reprises, qualifié de dangereux individu qui mettait la santé des autres en danger. Ils ont relevé mon identité sur mes simples dires. Ils étaient très sûrs d'eux et de bien faire le job. Moi qui suis féru d'histoire, et en particulier de la période noire des années 1930 à 1950, je n'ai pas été étonné.
LJALB: Qu'entendez-vous par là?
Cy: Dans toutes les périodes de crise de l'Histoire le pouvoir a toujours pu compter sur des serviteurs zélés capables d'approuver le jour ce qu'ils avaient dénoncé la veille. Au mieux, je pense sincèrement que ces deux-là ont fait volontairement dans l'exagération et la provocation, comme pour encourager un outrage de ma part. Ceci, sans doute en sachant que leur histoire d'amende n'irait pas très loin en pratique (voir note plus bas)
LJALB: Comment cela s'est-il terminé?
Cy: sans surprise. Ils m'ont dit de faire demi-tour et m'ont rappelé le montant de l'amende. Je leur ai rappelé pour ma part que j'étais respectueux de la loi*, de toute la loi, mais rien que la loi et je les ai salués. Ils n'ont pas répondu à mon salut.
LJALB Qu'en tirez vous comme conclusion?
Cy: On vit et l'on va vivre encore quelque temps une période difficile et pleine d'incertitude. Les mesures drastiques de confinement risquent d'entraîner des désordres psychologiques chez nombre d'entre nous. Plutôt que de "menacer" les gens, de les traiter comme de dangereux irresponsables, mieux vaudrait faire appel à la responsabilité personnelle dans le cadre d'une solidarité nationale. Et que ce serait le moment pour les 'forces répressives" de se muer aussi en forces éducatives, voire bienveillantes. La bienveillance, c'est ce dont on va avoir le plus besoin. Avec l'intelligence. Tout cela m'a paru faire défaut ce matin.
Fin de l'entretien.
Note aux benêts à propos de la loi: le seul texte officiel et publié qui existait à la date du contrôle évoqué supra est le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant règlement des déplacements dans le cadre de la lutte de la propagation du virus Covid-19. 5° Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité
physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique
sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.
Le texte réglementaire n'ayant pas défini la mesure de la proximité, nul ne peut prétendre la limiter, arbitrairement, au seul quartier de la résidence des personnes concernées.
D'autre part, les personnes doivent pouvoir justifier du motif de leur déplacement à l'aide d'un document, indique la loi, sans autre précision. Quand un représentant de l'ordre s'apprête à contrôler une personne en tenue cycliste du pied à la tête (casque compris) comment peut-il mieux considérer que la dite personne se livre à une activité sportive parfaitement licite? C'est là qu'un minimum de discernement ne ferait pas de tort.