BZZ, BZZ, BZZ...
J’ai fait un rêve.
Un cauchemar plutôt.
Je me trouvais dans un lieu inconnu et entouré de gens que je ne reconnaissais pas.
Nous marchions de conserve sans nous regarder, sans nous toucher, en gardant nos distances.
Il me semblait même que nous tournions en rond, presque imperceptiblement.
Mais le plus étonnant était cette tenue que nous portions tous comme si elle allait de soi et qui ne facilitait pas les échanges.
A plusieurs reprises j’avais essayé d’attirer l’attention, d’engager la conversation avec mes compagnons d'infortune.
En vain.
Soudain un homme, je sus que c’était un homme au son de sa voix, me murmura derrière moi:
- Ne vous retournez pas. Répondez moi en tournant juste un peu la tête. Il ne faut pas que l'on nous voit échanger quelques mots. C'est interdit.
J’obtempérai et lui glissai le plus discrètement possible:
- Savez-vous ce que nous faisons ici?
- Nous faisons comme tout le monde, nous attendons.
- Nous attendons quoi?
- On ne sait pas.
-
Et où sommes nous?
- Dans une sorte d’asile psychiatrique.
- Mais je n’ai rien à faire ici, moi, je ne suis pas fou…
- Je n’en doute pas. C’est un peu le cas de la majorité de ceux qui marchent en même temps que nous.
- Mais pourquoi marchent-ils alors sans savoir?
- Parce qu’on les fait marcher pardi.
- Mais qui les fait marcher?
- Les gens qui dirigent cet établissement psychiatrique.
- Et pourquoi ces gens font-ils cela?
- Parce que dans cet asile, c’est les plus fous d’entre nous qui ont pris les commandes.
J’interrompis cet étrange dialogue car des écrans venaient de s’allumer et notre cortège s’était arrêté. Un visage apparut qui tint des propos qui me parurent incompréhensibles. Pourtant les autres autour de moi hochaient la tête en cadence comme s’ils buvaient ces paroles. Puis tout le monde se remit en marche.
Mais alors que précédemment il me semblait que nous tournions dans le sens des aiguilles d’une montre, j’eus l’impression que le sens de la courbe s’était inversé. J’en fis la remarque à mon interlocuteur qui me confirma cette impression:
- C’est toujours comme cela. C’est juste pour ne pas donner l’impression que l’on fait marche arrière mais finalement le résultat est le même. Dans quelque temps on se retrouvera exactement au même point que nous venons de quitter.
- C’est le visage qui est apparu sur l’écran qui a donné cet ordre idiot? Qui est-il?
- C’est lui le grand décideur. Le Manuel il faut qu’on l’appelle. Non pas parce qu’il est adroit de ses mains, non. Juste parce que c’est lui qui écrit chaque jour notre manuel de savoir vivre et qui impose ses règles.
-
Et pourquoi est-ce que l’on tourne désormais vers la gauche alors qu’avant on tournait vers la droite?
- Ça, c’est tout Le Manuel et son génie! Il nous dit un jour de faire ce qui sera contredit le lendemain. Mais il assure qu’il sait où il nous mène.
- Et où nous mène-t-il aujourd’hui?
-
Vers un centre de vaccination qui vient de s’ouvrir. Quand nous serons tous vaccinés, a-t-il promis, nous pourrons enfin quitter cet univers étrange.
- Vacciné contre quoi?
- Contre les piqûres mortelles d’une abeille tueuse.
-
Parce qu’il y aurait des abeilles mutantes dont une simple piqûre pourrait tuer des hommes ou des femmes en bonne santé?
-On n’en sait rien. Mais c’est que l’on nous raconte à longueur d’écran. Toutefois on nous affirme que lorsque nous serons tous vaccinés, on pourra enfin quitter cet univers de fous car on n’aura plus rien à craindre des abeilles. Sauf si elles mutent en frelons, bien sûr.
- Mais je n’ai pas du tout envie d’être vacciné, moi…
- Dans ce cas, ne vous inquiétez pas. Car de toutes façons il n’y a pas de vaccin.
- C’est une blague?
- Même pas.
- Alors cela veut aussi dire que personne ne sortira jamais de cet univers de fous?
- Vous avez tout compris. Vous voyez bien que vous n’êtes pas fou…
C’est à ce moment là que je me suis réveillé. J'étais en sueur.
Je regardais autour de moi et je retrouvais mon univers habituel. Ce n’était qu’un cauchemar.
Certes ce pays ressemblait de plus en plus à un asile d’aliénés dont les plus atteints auraient pris le pouvoir mais au moins il n’y avait pas d’abeilles tueuses dont d'aucuns voudraient nous protéger.
Enfin, pas encore…
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